Le douloureux dilemme d'Obama

Publié le par Association France Israël Marseille

Jean-Pierre Bensimon Un autre regard sur le Proche-Orient Editorial Lettre de FIM13 le 3 janvier 2011

Il a renoncé à exiger d’Israël un gel des constructions, les négociations qu’il voulait sont dans les limbes, et il a de nombreux problèmes sur tous les fronts. Va-t-il maintenir sa priorité au conflit du Proche-Orient?

 Obama n'a pas voulu exiger de Mahmoud Abbas qu'il revienne négocier sans barguigner, et qu'il renonce à sa condition préalable de gel total des constructions dans les implantations et à Jérusalem Est. Il a tenté encore une fois de satisfaire la volonté du leader palestinien, à travers un étrange marché envisagé avec Netanyahou. Des avions, des votes favorables à l'ONU contre, dit-on, contre un gel israélien des constructions de trois mois. Mais après de longs palabres Obama refusa de coucher son offre sur le papier, ce qui en dit long sur l’hésitation de la parole américaine aujourd'hui. Prenant acte de son échec via une déclaration dépitée du porte-parole Philip Crowley le 7 décembre, l'hôte de la Maison Blanche se trouve désormais face à une cruelle alternative.

obamaPremière voie possible : il passe en force, permettant d'une façon ou d'une autre à Mahmoud Abbas de faire adopter par l'ONU une résolution imposant la création unilatérale d'un état palestinien. Seconde éventualité : il renonce à sa volonté passionnée d'une solution définitive et immédiate du conflit, au bénéfice d'une stabilisation et d'un renforcement de la société palestinienne, de ses institutions naissantes et de sa prospérité.

Dans la première hypothèse, le passage en force, Obama court le risque de rencontrer l'opposition de son Congrès et d'une bonne partie de l'opinion américaine, favorables à l'intégrité de l'état juif. Ils attendent de lui des solutions aux problèmes intérieurs de l'Amérique, la fiscalité, l'emploi, l'immigration, et non des envolées sur le Proche-Orient. Obama hypothèquerait beaucoup sa réélection déjà problématique après "la raclée" - ce sont ses propres termes - subie dans les urnes en novembre. De plus une décision de création unilatérale ne se matérialiserait pas sur le terrain. Israël s’y opposerait car il s’agit pour lui d’un enjeu existentiel. Il ne peut pas laisser s’installer à deux pas de son parlement des clones des jihadistes de Gaza qui pulluleraient comme les champignons après l’orage. Par ailleurs, ce genre de situation est parfaitement capable de déboucher sur des affrontements violents, car on imagine bien que la colère devant une «victoire volée» porterait vite les passions à l’incandescence. C'est ce qui s'était passé après Camp David en 2000, quand Bill Clinton avait voulu forcer la signature d'un accord de paix dont Arafat ne voulait pas et qu'il ne pouvait sans doute pas endosser sans risquer sa vie.

Le second choix parait beaucoup plus sage pour Obama dans la perspective d'une seconde candidature à la présidence. Il serait aussi plus conforme aux données d'un  antagonisme moyen-oriental aujourd'hui insoluble. Les actuels représentants palestiniens n'ont pas renoncé à leurs très anciennes visées : se débarrasser de l'état hébreu intrus en terre d'islam, imposer le retour de 4,5 millions de réfugiés, prendre pied à Jérusalem. Et les Israéliens ne peuvent pas tirer un trait sur leur sécurité, d'autant que des armes modernes, indétectables car très compactes, pourraient être déployées à quelques dizaines de mètres de leur centres vitaux. Ils ne renonceront sans doute pas non plus à Jérusalem, la colonne vertébrale de leur projet commun et de leur sentiment national.

Que vaudrait par ailleurs la signature de Mahmoud Abbas au bas d’un traité? Il ne contrôle pas Gaza et sa popularité en Cisjordanie est faible. Le parti qui devrait être son principal soutien, le Fatah, vient de tenir un congrès où il a prononcé une dizaine de « non !» dans la grande  tradition arabe de Khartoum. Ces « non! » privent  Abbas de toute marge de manœuvre. Visiblement les esprits ne sont pas mûrs, parce que si la situation est stabilisée, les adversaires  ont des buts toujours divergents.

Le plus difficile pour le président américain serait en fait de sacrifier ses a priori idéologiques défavorables à Israël, muris par la fréquentation intime de militants de la "grande cause arabe" pendant des dizaines d'années.

Obama devra donc arbitrer entre ses passions idéologiques et son avenir politique. Il pourrait aussi donner la priorité à sa réélection, remettant de deux années les décisions politiques intrusives auxquelles il tient tant. Il faut attendre son verdict pour le début 2011.

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